vendredi 29 juin 2012

Parmi les artistes contemporains, il en est un qui aime tout particulièrement représenter notre société à travers des sculptures époustouflantes de réalisme. L’arrivée de Ron Mueck au sein du monde de l’art contemporain est assez récent, une douzaine d’années seulement. Mais en réalité cet artiste n’est pas novice en la matière. Retour sur le parcours de cet homme à part. Rom Mueck est un artiste australien, né à la fin des années 50 à Melbourne. Tout petit déjà, il passe son temps à fabriquer des objets. Faut dire qu’avec un père sculpteur de jouets en bois et une mère créatrice de poupées de chiffons, il avait toutes les cartes en main pour bricoler et surtout, laisser parler sa créativité. Une fois adulte, Ron Mueck construit des marionnettes. En 1979, il trouve un emploi à la télévision pour créer les marionnettes d’animaux de l’émission australienne pour enfant, Shirl’s Neighbourhood. 
À partir de 1983, il part pour Londres et collabore aux shows du célèbre Jim Henson (Muppet Show & Sesame Street). L’expérience se poursuit avec deux longs-métrages (Dreamchild puis Labyrinth, avec David Bowie) pour lesquels Ron Mueck gère la partie effets spéciaux et marionnettes. En 1990, il décide de créer sa propre entreprise qui produit des mannequins pour les publicités. Il se spécialise dans la création de personnages assez réalistes qui sont ensuite photographiés sous un certain angle afin de créer une illusion. Mais notre homme veut aller plus loin en cherchant à produire des sculptures offrant une sensation parfaite de réalisme, qu’importe l’endroit depuis lequel on les regarde. C’est à la demande de sa belle-mère, l’artiste peintre Paula Rego, que Ron Mueck réalise pour elle un modèle de Pinocchio petit garçon. Le résultat est saisissant. C’est à cette époque que Charles Saatchi, célèbre collectionneur d’Art, découvre cette sculpture. Aussitôt conquis, il commande quatre nouvelles œuvres à l’artiste australien. Cette première exposition artistique et médiatique, durant l’exposition Sensation (1997) à la Royal Academy of Arts, marque un véritable tournant dans sa carrière. 

Dès lors, Ron Mueck n’est plus simplement vu comme un technicien doué de talent mais comme un véritable artiste. Parmi les œuvres présentées, l’une fait légèrement polémique. Avec Dead Dad, Ron Mueck nous montre à voir, dans un format réduit au 2/3 de la taille réelle, la sculpture de son père mort. Cette sculpture est terrible de réalisme et c’est ce qui choque une partie des visiteurs qui trouvent impudique de montrer à tous l’intimité la plus profonde de cet homme sans vie. C’est aussi une façon de mettre les gens face à certains tabous de notre société comme la représentation de la mort. Depuis, son travail a été exposé un peu partout dans le monde : Biennale de Venise en 2001,  à Paris en 2005 lors de l’exposition Mélancolia au Grand Palais puis en 2006 à la Fondation Cartier, au Musée des beaux-arts du Canada d’Ottawa en 2007 puis au Brooklyn Museum of Art, au British Museum fin 2008-début 2009… Le travail de Ron Mueck s’inscrit dans le courant d’art contemporain de l’hyperréalisme. Ses sculptures tentent de reproduire à la perfection certains moments de la vie des hommes (naissance, vieillesse, mort) tout en offrant à l’œuvre une personnalité et une place dans notre société. Mais malgré un réalisme flagrant, un détail vient placer la sculpture dans un autre univers que le notre : la taille de la sculpture. Aucune d’entre elles ne fait la taille qu’elle devrait avoir dans la vraie vie, elle est soit beaucoup plus petite soit gigantesque. L’artiste créé aussi bien un petit garçon de 5 mètres de haut qu’un couple d’environ 40 centimètres. Faire des œuvres de taille “réelle” ne l’intéresse pas puisque, et il le dit lui-même, ” on voit des gens de taille humaine tous les jours ! “. Voici par exemple son autoportrait. À la différence de la majorité des œuvres, il est préférable de prendre en photo l’environnement qui entoure la sculpture, afin d’avoir un rapport de taille avec les visiteurs présents. Son travail se rapproche un peu des personnages de Duane Hanson, avec une approche tout de même différente puisque la plupart des corps sont nus, comme dans le travail de John De Andrea. Le travail de Ron Mueck est malgré tout plus précis, plus réaliste encore, comme dans les portraits de Chuck Close. L’émotion qui se dégage de ces sculptures peut se rapprocher en partie de certaines toiles de Lucian Freud, Stanley Spencer ou encore Jenny Saville. Pour créer ses sculptures, Ron Mueck doit procéder par plusieurs étapes : croquis, ébauches, structure métallique, sculpture en terre, moulage en silicone ou en résine polyester, peinture à l’huile pour les détails (grains de beauté, rides, veines…). Certaines œuvres sont réalisées en fibre de verre, plus adaptée selon le format final. Notons que Ron Mueck représente généralement des personnages dans leur ensemble et s’il ne montre qu’une partie, c’est systématiquement le visage car c’est cette zone qui façonne la personnalité. Les œuvres sont placées dans des situations bien précises et libre à chaque visiteur d’interpréter, voire d’imaginer des liens entre les différents personnages. Ron Mueck a traité à peu près tous les moments de la vie, de la naissance à la mort mais l’ensemble est teinté d’une touche de mélancolie. Aucun “personnage” ne sourit et on perçoit souvent une solitude, une souffrance ou une tristesse sous-jacente. 

Le visiteur peut à la fois se retrouver dans certaines situations et en même temps il reste spectateur de cette représentation qui n’a pas lieu d’être dans la réalité puisque trop petite ou trop grande. Voilà un aperçu de son travail qui reprend la chronologie d’une vie : La naissance L’enfance Le passage à l’adolescence La vie adulte La vie en couple La grossesse (cette statue a été acheté environ 530 000€ par par la National Gallery of Australia) La naissance La quarantaine-cinquantaine La vieillesse La mort (avec la sculpture Dead Dad, voir au début de l’article) La vie après la mort ? 

 Pour en savoir davantage sur cet artiste et en attendant qu’une exposition soit à nouveau organisée en France, vous pouvez consultez Ron Mueck, l’ouvrage d’Heiner Bastian. Je vous propose aussi de regarder le reportage qui lui a été consacré (produit par la National Gallery of London). Voici la seconde partie qui nous montre le processus de création. L’artiste met de plusieurs semaines jusqu’à plusieurs mois pour obtenir le résultat qu’il souhaite. C’est un travail lent et minutieux (les poils sont implantés un à un dans le silicone). Voici les liens pour accéder au début puis à la fin de ce reportage. Pour finir, voici quelques photos, sorte de making-of du travail de l’artiste, de la mise en place des œuvres puis de l’exposition. 

Pour voir les autres clichés, consultez l’album Flickr du Brooklym Museum. © affiche, pinocchio, dead dad, mask, étapes, photos : brooklyn museum - chilloutpoint - doffay - damncoolpics - dilidou, FreGre97 












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